Philippe Claudel : "L'enquête"

Philippe Claudel signe ici un roman qui sort de ses acquis. Reconnu, connu et plébiscité suite aux romans "Les âmes grise" (Prix Renaudot 2003) et "Le rapport Brodeck" (Goncourt des lycéens 2007), il s'offre ici une petite incursion entre SF et roman absurde, entre Kafka et Aldous Huxley.

L'histoire est celle de l'Enquêteur dépêché dans l'Entreprise pour établir un rapport sur la vague de suicide qui déferle sur les employés. Mais rien ne se passe comme prévu, d'abord livré à lui-même, perdu dans la ville, perdu par les personnes qui l'accueille, il finit par se perdre lui-même, perdre ses repères, perdre l'envie. Son personnage reste lucide et c'est de cette lucidité que surgit un malaise pour le lecteur qui sent le complot ourdir contre le malheureux. Mais, et si de complot, il n'y en avait point? Si le monde représenté par Claudel n'était finalement qu'une légère transposition de notre société en à peine plus exagérée?

C'est là, où le questionnement devient intéressant, sommes-nous comme tous les personnages du roman seulement définit par notre fonction et donc interchangeable?

Ce roman pose la question de l'identité, de sa construction comme de sa perte, de sa dissolution à sa recréation artificielle...

Un roman majuscule qui dérange, interroge, à lire et à relire pour ne pas oublier notre humanité...